Mort une fois, né trois fois, quatre pères. «
Jason souviens toi ! Souviens toi du nom de ton père. Jason … » «
Lequel ? LEQUEL ?! »
Le cri déchirât le voile paisible de la nuit, le corps du jeune homme se redressant à la vitesse de l’éclair sur le lit défait. Sa peau brillait d’une fine couche de sueur et sa respiration courte et poussive lui donnait un air paniqué. Un autre cauchemar, une autre nuit de souffrance. Se levant, faisant face à la lumière de la Lune, Jason comprit, une autre pièce du puzzle venait de reprendre place dans son esprit et contrairement aux fois précédentes il ne savait pas s’il devait s’en réjouir. La porte vers les souvenirs de son passé était à présent grande ouverte, mais il pouvait le sentir dans tous les pores de sa peau, son corps refusait de se souvenir, le choc avait été trop important, et ainsi les deux entités qui le constituais luttaient l’une contre l’autre.
La porte de la chambre s’ouvrit sur deux grands yeux vers et un visage aux traits inquiets. En une fraction de seconde Jason attrapât son couteau à lame dentelé et se mit en garde, puis abaissant doucement son arme il se détendit s’affalant sur son lit, la fatigue l’assaillant à nouveau.
« Qu’est-ce que tu veux Talia ? »
Sans y être invitée, Talia entra dans la pièce et alla se servir un verre de vin. Après tout ici elle était comme chez elle, et puis au fond Jason n’en avait rien à faire, son intimité et toute sa vie n’existait plus, il devait la reconstruire jour après jours depuis que R’as Al Ghul l’avait plongé dans le puis de Lazare pour lui redonner sa mémoire, depuis qu’on l’avait sorti de ces eaux vertes il avait simplement survécut ici, écouté les ordres et c’était entraîné. La colère, la violence, la rage, l’intrépidité, on lui avait permis de l’exprimer sans compter, et cela avait suffi un temps à le rendre plus discipliné, mais cela ne suffisait plus et tout le monde l’avait remarqué ici.
« Encore un souvenir ? Ducra m’a dit que tu étais plus violent à l’entrainement, je me suis demandé si c’était simplement humainement possible d’ailleurs … »
Jason fixait le plafond, écoutant les paroles de Talia Al Ghul d’une oreille, et laissant son esprit mettre bout à bout tous les éléments de sa vie, un visage revenant bien souvent dans sa mémoire. Un visage effrayant et qui pourtant le fascinait. Et un sourire comme sorti des enfers.
« Je suis mort, revenu à la vie, j’ai perdu la mémoire et je la retrouve en rêve. Tout me semble possible aujourd’hui Talia. »
La femme posa son verre, et s’approchât de lui. Jason attrapât sa main, gardant le regard fixé au plafond. Elle l’avait sauvé du néant et pourtant il n’avait jamais réussi à lui faire confiance. Elle était une des pièces manquantes du puzzle, mais une chose était certaine, elle en savait bien plus qu’elle ne voulait bien le faire croire. Plus sur lui, sur son histoire et sur son tueur, Jason aurait pu le parier. Avant même qu’un mot de plus soit dit, Jason relâcha son emprise sur la main de la jeune femme et cette dernière sorti, n’affichant plus aucune émotion. Tout pouvait paraître si facile ici. On ne lui demandait rien, ne l’obligeait à rien, et pourtant en permanence on avait le regard porté sur ses faits et gestes, comme si on ne craignait qu’il en soit en réalité l’ennemi. Cette nuit il avait compris pourquoi, car il se rappelait de celui qui l’avait pris sous son aile. De cette affection peu commune. Il se souvenait d’un profil et d’un nom. Un nom que R’as semblait craindre lui aussi et qui pourtant ne donnait à Jason qu’un sentiment de tristesse profonde.
Wayne.
† † †
L’entrainement touchait à sa fin. Le soleil descendait derrière les collines laissant une légère brise venir refroidir les corps bouillant des guerriers. Jason se laissa tomber dans la poussière, la terre rouge venant se coller à ses muscles saillant tandis que ses camarades aux balafres à peine cicatrisés des journées passées à jouter s’en allaient d’un pas lourd et lent. Le tumulte des armes remises aux fourreaux et des pistolets déchargés venant donner une étrange atmosphère au lieu tandis qu’une ombre quasiment difforme se penchait sur le jeune homme dont le rythme cardiaque se calmait peu à peu.
« Il est temps. Tu dois partir maintenant je n’ai plus rien à t’apprendre petit. »
La voix rocailleuse de Ducra et ses yeux aveugles se perdant dans le lointain de l’horizon fit sourire Jason. Son maître, cette femme étrange née il y avait quelques trois milles années, avait été le soutient le plus précieux qu’il ait pu connaître ici. Elle lui avait enseigné bien des choses, et surtout prit soin de lui alors qu’il c’était montré un élève bien difficile. Mais aujourd’hui ils le savaient tous les deux, serait le dernier jour où ils se verraient. Jason avait d’autre mentor à revoir, d’autre combats à mener, de véritables combat pour réparer les tords et amener la justice, peu importait la manière dont il s’y prendrait il ne laisserait pas passer sa chance de venir faire résonner le coup de feu de son arme là où il le fallait.
S’asseyant prêt de Ducra, le garçon passa une main déterminée dans sa chevelure humide en bataille dont une mèche grisonnante venait lui tomber sur l’œil, se promettant de se couper cette toison le plus rapidement possible.
« Tu es un élève insupportable. Mais je t’ai apprécié Jason, j’espère que tu feras bon usage de ce que je t’ai appris. »
« J’essayerai Ducra. Mais j’ai une question, la première fois que nous nous sommes rencontrés tu m’as appelé Jason fils de quatre père … »
« Ah ! »
le rire ironique de Ducra fendit l’air comme une flèche tandis qu’elle semblait se ratatiner sur sa propre carcasse cabossée. Son visage d’arbre mort s’étirant pour laisser apparaître un sourire sans dents.
« Ta première vie a été donné par la chair. Ta deuxième par l’affection. Ta troisième par la mort. Et ta quatrième par la mémoire. »
« Willis. Bruce. Le Joker et R ‘as. »
« Si tu as déjà les réponses pourquoi me poses-tu les questions petit ? »
Jason fronçât les sourcils et se remémora son dernier rêve, celui ou portant une cape et un costume aux couleurs chatoyantes il virevoltait sur les toits de Gotham City, n’écoutant pas les indications qu’on lui donnait, et projetant contre un mur la tête d’un homme qui venait de violer une jeune femme. Puis le rêve avait changé, il en ressentait encore la douleur de ce coup de pied de biche, le tout dernier avant qu’il ne perde conscience. Puis la résurrection, le nom gravé sur sa tombe, et enfin R’as qui le plongeait dans le puis, l’accompagnant. Comment pouvait-on devenir une progéniture possédant quatre entités de vies si différentes ? Jason c’était aussi rappelé sa mère, celle-là même qui l’avait vendu au Joker. Il se rappelait Alfred et sa façon si poli de lui rappeler qu’il était dangereux de voler la batmoto en pleine nuit quand Maître Bruce n’était pas là. Il se rappelait Dick lui laissant sa place, Barbara qui gardait toujours un œil sur lui. Roy avec qui il avait enfreint les règles un nombre incalculable de fois, comme les sales gosses ne tenant pas en place qu’ils étaient. Tout lui était revenu en mémoire. Mais une seule chose le hantait, il avait fait ses propres recherches et sa mort n’avait pas été vengée…
« Un homme m’a dit un jour que pour devenir plus fort il fallait devenir ses propres peurs… »
« Sage conseil. »
« Je pars Ducra. On ne peut avoir quatre pères. L’un est déjà mort, il ne me reste plus qu’à choisir les deux autres à tuer. »
Ducra n’eut pas le temps de dire quoi que ce soit qu’il partait déjà, après lui avoir doucement tapé sur l’épaule. Le jeune garçon perdu qu’elle avait rencontré n’était plus. A présent il était un homme ne possédant plus qu’une seule peur. Une peur qu’il allait revêtir pour devenir lui-même sa plus grande peur. Mais avant cela il aurait du chemin. Car pour atteindre son objectif final, il lui faudrait plus qu’un simple esprit de vengeance. Jason Todd serait bientôt de retour à Gotham City, et on parlerait à nouveau de lui et son casque rouge.